Monsieur le premier ministre,
En 2016, notre organisme concluait ainsi son mémoire sur le projet de Loi sur l’immatriculation des armes à feu:
« Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale demande aux membres de l’Assemblée nationale, conformément aux nombreuses motions unanimes votées entre 2006 et mars 2015, d’adopter le projet de loi 64 afin de créer un registre québécois des armes à feu. Pour nous, il s’agit d’un moyen de plus pour protéger les femmes et leurs enfants vivant dans un contexte de violence conjugale.
En terminant, nous unissons nos voix pour vous rappeler l’importance que joue le système de contrôle des armes dans notre capacité à aider les personnes victimes de violence conjugale.
Mettre fin à la violence envers les femmes et prévenir les tragédies exige des gestes concrets. Doter le Québec d’un registre des armes à feu, c’est contribuer à la sécurité des femmes et des enfants. »
Notre position n’a pas changé et nous vous demandons de ne pas donner raison à ceux qui organisent une campagne de boycott en demandant aux propriétaires de ne pas enregistrer leurs armes, et ce dans le but de retarder l’entrée en fonction de la loi, voire de susciter son abolition, en invoquant un trop faible nombre d’enregistrements.
Selon nous, il n’existe aucune raison légitime justifiant un report potentiel de l’entrée en vigueur de la loi, incluant l’application des amendes. La loi a été adoptée par une forte majorité des élus de tous les partis après huit ans de débats et de procédures juridiques. Toutes les étapes intrinsèques à un processus législatif démocratique ont été respectées. Une campagne d’information publique est déployée sur les ondes depuis plusieurs mois et le Service d’immatriculation est facilement accessible, simple à utiliser et gratuit. Enfin, les pénalités prévues sont monétaires et non criminelles.
La loi a été adoptée pour protéger l’ensemble des Québécois des risques associés aux armes à feu. Le processus législatif a non seulement respecté la volonté de la majorité de la population, mais également l’avis des experts en matière de sécurité publique et de prévention des suicides. De plus, un récent sondage Léger indique que la grande majorité des Québécois.e.s (78 %) souhaite l’application de la loi dès le 29 janvier prochain, notamment en donnant des amendes en cas de non-respect délibéré. Cet appui est majoritaire dans toutes les régions du Québec, y compris à l’extérieur des grands centres urbains, ce qui concorde tout à fait avec l’appui historique des Québécois pour le contrôle des armes à feu en général et pour leur enregistrement en particulier. Il serait donc extrêmement troublant de voir un nouveau gouvernement céder devant les pressions orchestrées par les mêmes militants pro-armes ayant perdu leur cause tant devant l’Assemblée nationale que dans l’opinion publique.
La Coalition avenir Québec a été portée au pouvoir entre autres en ayant spécifiquement reconnu « le devoir de faire respecter la loi [sur l’immatriculation des armes à feu] qui s’appliquera définitivement en février 2019 ». Or, l’ambivalence perceptible actuellement au gouvernement a malheureusement l’effet d’encourager le boycott. On peut raisonnablement penser que très peu de propriétaires d’armes ont réellement l’intention de s’exposer aux amendes de 500 $ par arme. Un signal sans équivoque du gouvernement à l’effet que les amendes s’appliqueront comme prévu poussera ceux-ci à se plier à la loi.
Au nom des victimes de violence conjugale, et particulièrement de celles qui vivent en milieu rural où les armes sont nombreuses, nous prenons le temps de réitérer notre appui pour cette mesure importante. Nous comptons sur vous pour respecter votre engagement électoral en lien avec l’entrée en vigueur du registre de même que votre promesse de ne pas céder devant les lobbys privés aux dépens de l’intérêt public et de l’avis majoritaire des Québécois.
Louise Riendeau
Coresponsable des dossiers politiques