1. Qu’est-ce que la violence conjugale?

La violence conjugale est une problématique sociale qui s’inscrit dans des rapports historiques d’inégalité entre les hommes et les femmes. En effet, dans 80 % des cas rapportés à la police, les victimes sont des femmes. La violence conjugale se manifeste dans un couple où les deux partenaires vivent une relation intime et affective, et elle peut se poursuivre après la séparation. On y retrouve un rapport de domination dans lequel l’agresseur établie et maintient son emprise sur sa victime tout en s’assurant qu’elle ne le quitte pas.

La violence conjugale s’exerce à travers un cycle stratégique dans lequel l’agresseur tente de mettre continuellement en échec toutes les réactions de la victime pour pouvoir la garder sous son contrôle. C’est un rapport de force. Ce n’est pas une dynamique où deux personnes sont à tour de rôle agresseur et victime. C’est un enchaînement de stratégies utilisées par l’agresseur dans le but de dominer sa victime.

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2. Distinguer la violence conjugale de la chicane de couple

Tous les différends ou agressions que l’on peut observer dans un couple ne sont pas nécessairement de la violence conjugale.

La violence conjugale est intentionnelle et préméditée. Elle vise à dominer et à terroriser la victime. Elle s’exerce à travers un cycle qui se répète et s’intensifie.

Or, dans le cas d’une chicane de couple, ce qui est recherché, c’est d’avoir le pouvoir sur la situation, de convaincre l’autre de son bon droit et d’avoir gain de cause. Plus précisément, un conflit surgit lorsque le comportement d’une personne interfère avec les besoins d’une autre ou que leurs valeurs s’opposent.

Quatre critères permettent de distinguer la violence conjugale de la chicane de couple.

Le type d’agression

Dans un cas de violence conjugale, les agressions sont intentionnelles, stratégiques et ont pour but de dominer. Dans le cas d’un conflit, les deux partenaires expriment leur point de vue, même s’il peut y avoir l’expression d’agressivité.

Le gain recherché

Dans un cas de violence conjugale, l’agresseur veut avoir le contrôle et le pouvoir sur sa victime sans négociation. L’agresseur est le même d’une fois à l’autre. Dans une chicane de couple, les deux cherchent à convaincre l’autre de leur bon droit et à avoir gain de cause. Dans ce cas, chacun gagne à tour de rôle.

L’impact

Dans un cas de violence conjugale, le rapport de pouvoir a un effet destructeur sur la victime, la place dans l’impuissance et l’oblige à une réaction stratégique devant l’agression. Dans un conflit, il y a une liberté de réaction et une transparence en raison de l’absence de peur.

L’explication

Dans un cas de violence conjugale, l’agresseur ne veut pas être pris en défaut. Il ne s’explique pas; il se justifie. Dans le cas d’un conflit, la personne qui déclenche la chicane n’a rien à cacher, ni aucun pouvoir à préserver. Elle argumente et explique son geste avec une relative transparence. Elle peut lâcher prise et même s’excuser si elle reconnaît avoir dépassé les bornes.

3. Cycle de la violence

L’agresseur reproduit un cycle de 4 phases. Les deux premières ont pour effet le contrôle de sa partenaire : ce sont la tension et l’agression. Les deux autres visent à s’assurer que sa partenaire ne le quitte pas : il s’agit de la justification et de la réconciliation. Avec le temps, ce cycle se répète et s’accélère. Quand l’emprise est bien installée, il arrive que les deux dernières phases disparaissent pour ne laisser place qu’aux phases de tension et d’agression.

Phase 1 : la tension

L’agresseur a des excès de colère, menace sa partenaire du regard, laisse peser de lourds silences. La victime a peur. Elle se sent inquiète, tente d’améliorer le climat, fait attention à ses propres gestes et paroles.

Phase 2 : l’agression

L’agresseur fait subir à sa partenaire de la violence verbale, psychologique, physique, sexuelle ou économique. La victime se sent humiliée et triste; elle a le sentiment que la situation est injuste.

Phase 3 : la justification

L’agresseur trouve des excuses pour justifier son comportement. La victime tente de comprendre ses justifications, doute de ses propres perceptions, se sent responsable de la situation.

Phase 4 : la réconciliation

L’agresseur demande pardon, parle de changer ou d’aller chercher de l’aide. La victime lui donne une chance, lui apporte son aide, constate ses efforts, change ses propres habitudes.

4. Formes de violence

Psychologique

La violence psychologique est une série d’attitudes et de propos méprisants qui consistent à humilier l’autre, la dénigrer, la dévaloriser et la contrôler. L’agresseur déprécie l’apparence de sa compagne, ses capacités intellectuelles ou n’importe quel trait de sa personnalité dans le but de la diminuer. Il lui reproche son peu de talents sexuels. Il critique sa façon d’éduquer les enfants ou de cuisiner. Bref, il nie sa façon d’être et lui renvoie une image d’elle-même totalement négative.

Physique

Quand les menaces, les cris ou les sarcasmes ne sont pas suffisants, l’agresseur passe aux coups, à la brutalité ou à la contrainte physique. Il secoue sa compagne, la gifle, lui broie les mains, l’écrase contre un mur, l’immobilise. Il peut aussi la séquestrer, l’attacher, faire mine de l’étrangler, la frapper avec un bâton ou un couteau, lui assener des coups de poing au visage ou aux seins, et des coups de pied au ventre malgré sa grossesse.

Verbale

La violence verbale… s’entend! Éclats de voix, cris, insultes, injures, menaces, hurlements en sont autant d’expressions. Souvent, l’agresseur va élever la voix pour intimider sa compagne. La violence verbale peut aussi se manifester par des interdictions, du chantage et des ordres.

Sexuelle

Souvent vécue en silence, la violence sexuelle se produit lorsque l’agresseur impose à sa compagne des rapports sexuels avec lui ou avec d’autres personnes, voire à plusieurs. Il la brutalise et l’insulte, et peut la contraindre à regarder du matériel porno et à imiter les scènes du film.

Économique

Quand l’agresseur défend à sa compagne de travailler ou, au contraire, l’oblige à travailler au-delà de ses forces pour bénéficier d’un meilleur revenu familial, il s’agit de violence économique. L’agresseur peut aussi exercer un contrôle sur le choix de travail de sa partenaire, ou encore mettre des entraves à ses études. Limiter à l’extrême les dépenses pour l’alimentation, les vêtements, les loisirs ou refuser tout accès à des ressources financières font aussi partie des moyens pouvant être utilisés par l’agresseur.

5. Impacts de la violence conjugale

Sur les femmes

Au fur et à mesure des agressions, la victime en vient à concevoir la violence comme normale et même justifiée. Son seuil de tolérance augmente au point qu’elle ne perçoit plus les manifestations les plus quotidiennes de contrôle. Elle se vide, littéralement, de son dynamisme et de son énergie vitale. Elle devient conditionnée : parce qu’elle fait tout pour éviter de nouvelles agressions; parce qu’elle est obligée de justifier ses attitudes et ses comportements; parce qu’elle finit par douter de ses émotions et de sa propre compréhension de la situation.

Souvent, une femme vivant de la violence conjugale va, dans un premier temps, chercher de l’aide auprès de ses proches. Dans la mesure où son milieu et la société en général se montrent peu tolérants à l’égard de la violence conjugale, cette femme trouvera auprès de ses ami.e.s, de sa famille, de ses voisin.e.s ou de ses collègues l’aide et le soutien dont elle a besoin pour briser l’isolement et le silence. Un soutien affectif sous forme d’écoute et d’échanges peut faire toute la différence et l’aider à trouver des solutions pour reprendre du contrôle sur sa vie.

Par contre, si son milieu est encore plus tolérant qu’elle (regards qui fuient, voisins qui n’entendent pas ses cris, famille qui ne dit rien), elle comprend rapidement que son mari est protégé par le silence ambiant. Confrontée à cette tolérance, elle réévalue ses propres sentiments d’injustice et d’outrage. Peut-être prend-elle les choses trop à cœur; ça ne doit pas être si grave que ça. Dans ce contexte, les justifications de l’agresseur auront encore plus d’emprise sur elle. Pourtant, son intégrité psychologique, physique et sexuelle est de plus en plus menacée par la violence qu’elle subit.

À cause de cette image d’elle-même si négative, elle ne voit pas que, dans la réalité, elle essaie de résister à la violence : tous les jours, elle se défend. Elle utilise des stratégies d’adaptation liées à sa compréhension de la situation. Elle tente d’assurer sa protection et celle de ses enfants, s’il y a lieu. Elle combat avec ses propres armes, malheureusement insuffisantes parce qu’en réalité, ce n’est pas elle qui a le contrôle. Cette femme en arrive à avoir honte, honte de son incapacité à faire cesser la violence.

Est-il surprenant que cette peur, cette insécurité permanente se traduisent par des maux physiques, des traumatismes et des séquelles psychologiques?

La violence conjugale a des effets dévastateurs sur la santé mentale et physique des femmes qui en sont victimes. Sur le plan physique, elles ressentiront des douleurs variées, des allergies, de l’insomnie, des troubles digestifs, etc. Sur le plan de la santé mentale, les conséquences impliquent une détresse psychologique élevée, des symptômes de dépression et la consommation de médicaments (antidépresseurs, anxiolytiques et analgésiques).

  • 37 % des femmes qui ont vécu au moins un épisode violent ont un niveau de détresse psychologique élevé, alors que le taux est de 18 % chez les autres femmes.
  • 6 % des femmes victimes de violence, contre 1,4 % des autres femmes, ont eu des idées suicidaires.
  • 98,2 % des femmes ayant été hébergées présentent, un an après leur séjour en maison d’aide et d’hébergement, au moins un problème de santé physique ou mentale (ex. : dépression, anxiété).
  • Les femmes violentées de 15 à 44 ans bénéficient d’un an de moins en bonne santé sur cinq.

Sur les enfants

L’amour des proches, la confiance et la sécurité s’avèrent des facteurs déterminants pour le développement et l’épanouissement des enfants. Malheureusement, lorsqu’elle sévit dans une famille, la violence conjugale s’enracine dans l’histoire des enfants. Ces derniers n’ont pas besoin d’e?tre te?moins du contro?le coercitif ou d’être directement visés par la violence pour subir les conse?quences de ces abus. Les re?gles arbitraires et le climat de tension et de peur impose?s a? la famille affectent son bien-e?tre. Tout comme leurs mères, ces enfants sont confrontés à la détresse, à la peur, à la honte, à la colère, à l’impuissance, et espèrent le changement. Et comme leurs mères, ils doivent composer avec leur propre cycle de la violence.

Cette violence porte atteinte à leur intégrité, à leur développement psychologique et social, à leur sécurité. Ceux qui vivent dans un contexte de violence conjugale peuvent :

  • voir leur quotidien marqué par la peur, les menaces, l’indifférence, le silence;
  • subir des agressions, des humiliations, de la négligence;
  • être constamment en état d’alerte, craignant l’éclatement de la violence du père ou du beau-père;
  • se sentir responsables de la violence et croire qu’en devenant meilleurs, ils feront cesser ces agressions sur ceux qu’ils aiment;
  • reconnaître la tristesse et la détresse dans le visage de leur mère;
  • éprouver des difficultés à l’école tant sur le plan de l’apprentissage que dans leurs relations avec leurs pairs (isolement, marginalisation);
  • avoir de la difficulté à établir et vivre des rapports égalitaires avec les autres;
  • développer des problèmes de sommeil, de concentration, de comportement et possiblement de santé mentale.

D’ailleurs, bien souvent, les mères décident de quitter leur conjoint lorsqu’elles prennent conscience de la souffrance de leurs enfants, que l’un d’eux les presse de quitter le foyer familial, que leur conjoint menace de brutaliser les enfants ou qu’il soit déjà passé aux actes.

6. Pour en finir avec la violence conjugale

La violence conjugale est une problématique complexe, dont la résolution s’inscrit dans un projet de société où toutes et tous sont interpelé.e.s. Il est donc important de dénoncer la violence conjugale et de réagir.

Que faire si l’on est une victime?

S’il s’agit d’une situation d’urgence, appeler le 911. Pour parler à des intervenantes spécialisées en violence conjugale, contacter SOS violence conjugale : 1 800 363-9010, ou l’une des 46 maisons membres. Elles pourront orienter la victime vers les ressources appropriées ou l’informer sur les services offerts en maison (hébergement sécuritaire, écoute et entraide, intervention appropriée aux besoins des enfants, élaboration d’un scénario de protection personnalisé, accompagnement dans les démarches juridiques et autres, suivi posthébergement, consultation externe).

Que faire si l’on est un.e proche de la victime?

Lorsqu’on connaît une personne victime de violence conjugale, il importe d’intervenir, car ne rien faire la maintient dans l’impuissance. Elle comprend qu’elle n’aura pas le soutien des autres, qu’elle doit se débrouiller par elle-même et que, si elle se retrouve dans cette situation, c’est peut-être de sa faute.

Voici quelques repères utiles pour soutenir une proche victime de violence conjugale :

  • tenter de comprendre ses peurs, ses doutes, sa culpabilité ou sa honte ainsi que l’effet qu’a le cycle sur elle plutôt que de la blâmer ou de la juger;
  • rompre son isolement et maintenir un lien avec elle, même si l’agresseur fait tout pour l’isoler;
  • ouvrir le dialogue sur la perception qu’elle a de la situation;
  • ne jamais parler contre l’agresseur;
  • rester centré.e sur elle, sans jamais prendre de décision à sa place;
  • l’informer et l’aider à trouver des ressources si elle le demande.

Si l’on est témoin d’une scène de violence et que l’on craint pour la sécurité de la victime, mieux vaut contacter la police.

Que faire si l’on est un.e proche de l’agresseur et que le contexte est suffisamment sécuritaire?

Si l’on ferme les yeux, on envoie le message à l’agresseur que l’on approuve ses actions. Celui-ci comprend qu’il peut continuer à agir ainsi en toute légitimité sans faire face aux conséquences de ses actes.

Dès qu’on a identifié la situation, il faut donc intervenir auprès de l’agresseur :

  • affirmer que la violence est inadmissible et que personne ne mérite d’en subir, peu importe son identité, ses actes ou ses paroles;
  • refuser les justifications de la violence;
  • lui faire savoir que son comportement violent n’est pas acceptable;
  • l’informer des ressources existantes.

Éviter de réagir à la violence conjugale comme si c’était une chicane de couple

Devant une situation de violence conjugale, il n’est aucunement recommandé d’encourager le couple à discuter ensemble de la source du conflit. Il est tout aussi déconseillé de proposer une thérapie axée sur la communication dans le couple ou encore des ateliers sur la gestion de la colère.

En agissant de cette façon, on envoie à la victime le message qu’elle est sur un pied d’égalité avec l’agresseur et que ce dernier cherche de bonne foi à trouver une solution. Inciter le couple à discuter de la situation peut donner des munitions à l’agresseur, c’est-à-dire qu’il apprendra ce qui fait peur à la victime et le réutilisera contre elle. Celle-ci se trouvera donc confrontée à quelqu’un qui se sait plus fort qu’elle et qui ne veut pas réellement négocier.

Éviter de confondre l’agresseur et la victime

Il arrive parfois que la victime réagisse, se défende. Il faut éviter, dans ce cas, de la confondre avec l’agresseur. Cela renforce sa situation d’impuissance puisqu’elle n’est plus reconnue comme victime et qu’on la tient responsable de l’agression. De son côté, l’agresseur croit d’autant plus qu’il est « au-dessus de la loi », car non seulement le fait d’avoir exercé de la violence sur sa conjointe n’entraîne pour lui aucune conséquence, mais en plus, il est protégé et cautionné, étant vu comme la victime.

7. Droits des femmes victimes de violence conjugale

Les femmes victimes de violence conjugale ont des droits malheureusement souvent méconnus. Les connaître leur permettent de reprendre du contrôle leur vie et ainsi lutter contre le sentiment d’impuissance.

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Violence conjugale


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