4 mars 2021
En 2020 au Québec, neuf femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Dans le dernier mois seulement, cinq femmes, déjà, ont succombé à la violence conjugale. Toutes nos pensées vont à leur famille et à leurs proches. La pandémie a exacerbé la situation déjà très difficile dans laquelle vivaient les femmes et les enfants victimes de cette violence, en plus de complexifier la demande d’aide. Confinées avec leur conjoint à la maison, coupées de leur cercle familial, amical et de travail, elles ont vu la violence s’intensifier en gravité et en fréquence. L’assouplissement des mesures sanitaires et le retour potentiel à une vie normale nous fait craindre le pire. Après des mois à avoir le contrôle total sur leur conjointe, comment les conjoints violents vont-ils réagir quand elles pourront retourner au travail, voir leur famille et ami.e.s ? Nous redoutons de nouvelles tragédies, il y a urgence d’agir maintenant.
Offrir de l’aide d’urgence à chaque femme qui en fait la demande et prévenir la violence au plan sociétal : ce sont là deux des missions essentielles et indissociables dont nous sommes investies en tant que maisons d’aide et d’hébergement. Une promesse que nous n’avons pas toujours la possibilité de tenir, faute de moyens, et qu’il est capital de garantir.
Malgré les investissements consentis l’an passé, qui permettront de consolider nos équipes et d’assurer la continuité des services offerts, force est de constater que notre réseau est à bout de souffle. Trop souvent, nous peinons à répondre à la demande et devons délaisser la prévention pour prioriser l’intervention. Ouvertes 24 jours sur 24 et 7 jours sur 7, nos maisons ont rivalisé d’ingéniosité depuis le début de la pandémie pour éviter les ruptures de services, réorganiser l’accueil et les services, et rejoindre le plus de femmes possible.
En nous reconnaissant comme services essentiels et en collaborant avec nous de façon proactive depuis mars dernier, votre gouvernement a pris la mesure de notre importance sociale. Les ambitieuses réformes anticipées– du Tribunal spécialisé en passant par la réforme du droit de la famille– et les recommandations des comités s’étant penchés sur la violence conjugale, nous donnent l’espoir d’une transformation en profondeur du système judiciaire et d’une société qui refuse avec force la violence envers les femmes.
Nous avons besoin que cette volonté politique ferme se poursuive ; de votre côté, vous avez besoin d’un réseau de ressources spécialisées vigoureux pour déployer cette vision de société aux quatre coins de la province et mettre en pratique les initiatives et plans d’action annoncés. En conjuguant nos forces, nous pouvons faire reculer la violence conjugale et garantir les droits des femmes. Pour cela, il est nécessaire que vous nous donniez les moyens et les capacités d’offrir les services directs dont les femmes et les enfants ont besoin et d’agir sur plusieurs fronts.
Il n’est pas encore temps de relâcher nos efforts en matière de violence conjugale. Sensibiliser les proches et les plus jeunes dans nos écoles, former les policier.e.s et les intervenant.e.s de la DPJ à mieux intervenir en présence de violence conjugale, bâtir des alliances avec les milieux de travail aussi appelés à se mobiliser, contribuer à façonner un système judiciaire qui place les victimes au cœur des décisions, coordonner des cellules de crise lorsqu’une femme ou ses enfants sont en danger de mort, adapter les services pour répondre aux besoins des femmes plus vulnérables et ne laisser personne passer à travers les mailles du filet, etc. Voici quelques-unes des actions que nos maisons mènent déjà auprès de nos communautés, en tant qu’organismes communautaires de proximité, et que nous devons avoir les moyens de poursuivre et d’intensifier.
La tâche est immense, mais notre détermination l’est plus encore. La problématique est complexe, mais nous avons l’expertise et l’expérience. La route est longue mais nous sommes prêtes à tenir la distance, avec votre aide. Pour les femmes. Pour leurs enfants. Et pour que les générations à venir n’aient plus à craindre pour leur sécurité parce qu’elles sont femmes. Donnez-nous les moyens de tenir cette promesse à la fois élémentaire et pourtant étonnamment exigeante. Encore en 2021.
Chantal Arseneault
Présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
La lettre est co-signée par les représentantes de 53 maisons d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale à travers le Québec :
Cathy Allen, Alternative pour Elles
Flora Fernandez, Assistance aux Femmes de Montréal
Marie-Andrée Beaudoin, Auberge de l’Amitié Roberval inc.
Irene Jansson, Auberge Transition
Isabelle Fecteau, Havre l’Éclaircie
Cathie Sombret, Horizon pour Elle
France Dupuis, L’Escale pour Elle
Julie Poirier, La Bouée Régionale
Caroline Limoges, La Citad’Elle de Lachute
Valérie Grégoire, La Clé sur la Porte
Vinciane Cousin, La Débrouille
Marie-Laure Leymonie, La Gigogne
Chantal Tanguay, La Gîtée
Sylvie Bernatchez, La Jonction pour Elle
Hélène Vandette, La maison Blanche-Morin
Cathy Arseneault, La Maison du Réconfort
Diane Néron, La Maison la Montée
Annie Houle, La Maison La Nacelle
Carolyne Boutin, La Méridienne inc.
Karine Morel, La Re-Source
Denise Tremblay, La Séjournelle
Louise Castonguay, L’Autre-Toit du KRTB
Monic Caron, Le Centre Louise-Amélie
Melodee Ko, Le Havre des Femmes
Ginette Girard, Le Toit de L’Amitié
Myriam Tison, L’Ombre-Elle
Nancy Gough, MAH L’Émergence
Martine Dallaire, Maison d’accueil et d’hébergement La Chambrée
Caroline Caron, Maison d’accueil La Traverse
Maryse Lachaine, Maison d’accueil Le Mitan
Linda Turbide, Maison d’aide et d’hébergement l’Accalmie
Fannie Roy, Maison d’Ariane
Sabrina Bernier, Maison De Connivence
Julie Bruyère, Maison de Lina
Hélène Millier, Maison des femmes de Baie-Comeau
Linh Nguyên-Biron, Maison des femmes de Québec
Karine Balesse, Maison des femmes de Sept-Iles
Julie Croteau, Maison d’hébergement La Volte-Face
Chantal Lalonde, Maison d’hébergement Le Nid
Cathy Bellehumeur, Maison d’hébergement l’Équinoxe
Annick Brazeau, Maison d’Hébergement Pour Elles Des Deux Vallées
Judith Cantin, Maison Halte Secours
Nathalie Villeneuve, Maison Hina
Johanne Gagnon, Maison l’Amie d’Elle Inc
Julie Poulin, Maison Le Prélude
Chantal Arseneault, Maison L’Esther
Anne-Marie Boucher, Maison Mikana
Murielle Jean-Baptiste, Maison pour femmes immigrantes
Nicole Richer, Maison Secours aux Femmes de Montréal Inc.
Mylaine Paquette, Maison Unies-Vers-Femmes
Morgane Roussel, Multi-Femmes
Roxane Prenovost, Passe-R-Elle des Hautes-Laurentides
Guylaine Simard, Refuge pour les femmes de l’Ouest de l’Île