Lettre ouverte
Il n’est plus à démontrer que quitter un conjoint violent est non seulement difficile, mais peut également être extrêmement dangereux. Au-delà de la peur de la réaction du partenaire, de nombreux facteurs peuvent amener une femme à ne pas le quitter : ressources financières insuffisantes ou dépendance économique, faible estime d’elle-même, craintes d’être jugée ou reniée par ses proches et sa communauté, lien de dépendance physique et économique pour les femmes en situation de handicap, statut d’immigration lié à celui du conjoint, etc. Tous ces éléments contribuent à isoler encore davantage ces femmes, et les privent bien souvent d’une échappatoire à la violence.
Ainsi, aider les femmes à fuir la violence est loin de se résumer à leur offrir un refuge et des services d’urgence, même si ceux-ci sont primordiaux. La réponse collective à la violence conjugale est plurielle. Elle doit prendre en compte les besoins multidimensionnels des femmes, et plus spécifiquement des femmes en situation de vulnérabilité sociale, qui se situent souvent à la croisée de plusieurs oppressions. Offrir le soutien adéquat à toutes les femmes est essentiel, afin de leur (re)donner les moyens et la capacité d’agir.
Les femmes victimes de violence conjugale ont besoin de plusieurs ressources du mouvement communautaire dans leur parcours pour sortir d’une relation violente. Cela est vrai pour celles qui reçoivent l’accompagnement des maisons comme pour celles, nombreuses, qui composent au quotidien avec la violence, dans l’ombre et le silence, sans avoir recours aux ressources spécialisées. En revanche, toutes demandent à pouvoir bénéficier de différentes formes de soutien : pour se loger, faire valoir leurs droits, obtenir de l’aide alimentaire et des produits de première nécessité, trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences, compléter les démarches d’immigration, ou encore briser l’isolement. Les organismes aux portes desquelles elles frappent sont autant d’avenues salutaires, qui deviennent une voie de sortie pour leur permettre d’échapper à la violence, à leur rythme. Ici un centre de femmes, où elles rebâtiront leur estime d’elles-mêmes au contact d’autres femmes ; ici un organisme d’aide à l’emploi qui leur permettra d’obtenir un salaire décent, levier essentiel à leur autonomie ; là une maison de jeunes ou un organisme de services jeunesse qui sera une occasion de répit pour les mères et de soutien pour les enfants et les adolescent.e.s ; là encore un organisme en santé mentale qui permettra aux femmes de mettre des mots sur des blessures psychologiques causées par la violence. Le lien de confiance qu’elles développent avec les intervenant.e.s deviendra, qui sait, la bougie d’allumage pour oser demander de l’aide. Et l’organisme sera là pour les référer vers les ressources spécialisées que sont les maisons d’aide et d’hébergement.
Chacun de ces soutiens sont précieux car ils contribuent à lever les obstacles, un à la fois. Ils ne feront pas les titres des journaux pour avoir « sauvé » des femmes et leurs enfants, mais ils participent assurément à faire reculer les inégalités socioéconomiques, à assurer le respect des droits et à maintenir la santé et la sécurité de ces femmes.
Après deux ans de pandémie, qui ont fragilisé encore davantage les femmes, nous avons désespérément besoin de ce filet de sécurité que représente le milieu communautaire. Nous avons besoin qu’il soit reconnu et financé à sa juste valeur. Y renoncer, c’est renoncer à garantir tous les droits. Car « la réalisation d’un droit est intimement liée à celle des autres droits ». Et inversement, « les reculs dans la réalisation d’un droit auront des conséquences négatives pour celle des autres droits », nous rappelle la Ligue des droits et libertés[1].
Nous, travailleuses des maisons d’aide et d’hébergement membres du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, tenons à saluer le travail colossal et indispensable de nos partenaires communautaires, aux quatre coins de la province. Le Québec doit beaucoup à l’action communautaire autonome, et nous sommes fières d’y contribuer jour après jour.
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et ses 44 maisons membres :
- L’Autre Toit du KRTB
- La Débrouille
- La Gigogne
- Auberge de l’Amitié
- La Chambrée
- Halte-Secours
- La Maison La Montée
- Maison des femmes de Québec
- Maison pour femmes immigrantes
- Le Toit de l’Amitié
- Maison La Nacelle
- La Bouée Régionale
- La Méridienne
- Horizon pour Elle
- Assistance aux femmes
- Maison Secours aux femmes
- Maison du Réconfort
- Multi-Femmes
- Refuge pour les femmes de l’Ouest de l’île
- Maison d’hébergement Pour Elles Des Deux Vallées
- Maison Unies-Vers-Femmes
- Alternative pour elles
- Le Nid
- Maison d’hébergement L’équinoxe
- Maison Mikana
- Maison L’Amie d’Elle
- Maison des femmes de Baie-Comeau
- Autour d’Elles, maison d’aide et d’hébergement
- L’Accalmie
- Le Havre des femmes
- Havre L’Éclaircie
- La Gitée
- La Jonction pour elle
- Maison de Lina
- Maison L’Esther
- Maison Le Prélude
- Maison d’accueil La Traverse
- L’Ombre-Elle
- La Maison d’Ariane
- La Passe-R-Elle des Hautes Laurentides
- La Citad’Elle de Lachute
- La Clé sur la porte
- La Re-Source
- Maison Hina
[1] Ligue des droits et libertés, Site web (consulté le 10 février 2022) https://liguedesdroits.ca/lexique/interdependance/