Par Martine Delvaux
Ce que je voudrais te dire
Que tu l’entendes quelque part à l’intérieur de toi
Que ça résonne, que ça fasse écho
Que ça s’installe précieusement pour t’accompagner
Des mots-talisman
Des mots-bouclier
Des mots-boussole
Des mots-école
Des mots-secours
Des mots-amour
Des mots à garder comme un phare qui ne s’éteint pas
Des mots comme une ritournelle qu’on écoute pour se rassurer
Des mots comme ceux que j’aurais voulu entendre quand moi j’étais petite
Et encore quand je suis devenue un peu plus grande
Et encore souvent aujourd’hui
Des mots qui me permettraient de me rappeler de celle que j’étais avant et qui est toujours là en moi
Celle qui a survécu aux Où vas-tu? Avec qui tu sors? Pourquoi tu t’es mise si belle?
Celle qui a recommencé à respirer après la main qui serrait sa nuque
Celle qui s’est libérée après la main en bracelet autour de son poignet
Celle qui a recommencé à parler après les Allez… continue… continue…
Celle qui s’est relevée après avoir été poussée contre un mur, jetée au plancher
Celle qui continue à écrire malgré les Tu n’es pas capable! Tu n’y arriveras pas! Tu n’es pas faite pour ça!
Je voudrais donner les mots qu’il faut
Des mots-rappels
Des mots-mantra
Pour protéger cette fille-là
Qu’on ne la force plus à sourire
Qu’on ne la fasse plus pleurer
Qu’on ne lui dise plus de se taire
Qu’on ne lui dise plus quoi faire
Cette fille-là que tu portes à l’intérieur de toi et à coté de qui je veux rester pour lui dire
Que les baisers ne doivent pas étouffer
Que les caresses ne doivent pas faire saigner
Que les bras qui serrent ne doivent pas emprisonner
Que crier n’est pas parler
Qu’insulter, diminuer, mépriser, contrôler… ce n’est pas ça, aimer
Parce qu’au moment où on ne comprend plus rien
Quand les règles du jeu sont tellement embrouillées qu’on ne sait plus quoi penser
Quand on commence à se dire que c’est de notre faute
Parce qu’une telle méchanceté est si incompréhensible qu’on ne peut donc que l’avoir provoquée
Je voudrais que quelques mots restent vivants
Qu’ils scintillent quelque part à l’intérieur de toi
Que tu les entendes
D’abord dans un léger chuchotement puis de plus en plus fort
Des mots comme les petites braises d’un feu éternel impossible à éteindre :
Tu ne mérites pas ça.