Avant les années 1970 : La violence conjugale, un problème privé
Jusqu’aux années 1970, les femmes se marient pour le meilleur et pour le pire.
Contraintes au silence et à l’isolement, elles subissent la violence physique, psychologique, économique et sexuelle dans l’indifférence totale. L’Église les encourage à endurer leurs maux dans l’abnégation, et la société considère la violence conjugale comme un problème privé. Il n’est pas rare de voir des femmes être internées en asile psychiatrique en raison de la détresse psychologique qu’elles vivent.
Sans recours, les femmes qui tentent de quitter le domicile conjugal sont souvent rejetées par leur entourage et contraintes à vivre dans la pauvreté. En effet, le divorce est très mal vu et condamné par l’Église, et les possibilités d’autonomie économique pour les femmes sont presque nulles. Une femme divorcée est catégorisée comme une femme de mauvaise vie.
Il faut attendre la fin des années 1960 pour que la société et les législations commencent à protéger les femmes.
DATES IMPORTANTES
1968 La Loi sur le divorce est adopté, qui admet la cruauté mentale et physique comme motif de séparation. La même année, le Québec se dote d’un Régime québécois d’allocations familiales versées aux mères, reconnaissant le besoin pour les femmes d’avoir accès à un revenu autonome pour prendre soin des enfants.
1969 La Loi sur l’aide sociale met fin à l’humiliante législation qui obligeait les mères monoparentales à obtenir deux certificats de bonne conduite, l’un du curé et l’autre d’une « personne désintéressée ». Dorénavant, tout individu dans le besoin a droit à de l’assistance, quelle que soit la cause de ce besoin. Ce nouvel accès plus facile à un revenu permet à de nombreuses femmes de quitter leur conjoint violent.
1970 Le régime de la société d’acquêts devient le régime matrimonial par défaut lorsqu’aucun contrat de mariage n’a été notarié. Il permet aux femmes d’avoir un droit de regard sur la gestion des biens communs acquis pendant le mariage.
1970 L’aide juridique voit le jour, permettant aux femmes en situation de pauvreté d’obtenir des recours légaux pour sortir d’une union violente.
De 1970 à 1989 : Les premières maisons d’hébergement
Avec les grandes transformations sociales des années 1970, la bataille pour les droits des femmes prend de l’ampleur.
Prenant conscience de l’oppression qu’elles subissent, des femmes de tous les milieux se regroupent pour dénoncer les violences conjugale et sexuelle. Elles développent une intervention féministe qui privilégie une analyse sociopolitique de la violence conjugale. Leurs actions visent un changement social et structurel des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes plutôt qu’une approche centrée sur les dimensions individuelles et psychiques des problèmes de couple. Remettant en question le fonctionnement des systèmes policier et judiciaire, elles militent pour déboulonner les mythes excusant la violence faite aux femmes.
Les premières maisons d’hébergement ouvrent leurs portes.
Elles se structurent autour de quatre principes de base : la gratuité, la confidentialité, l’accessibilité, et le caractère féministe et alternatif de l’approche d’intervention. À travers des campagnes de sensibilisation du Regroupement et du gouvernement, la problématique de la violence conjugale est enfin mise sur la place publique.
Les luttes du Regroupement
- Sensibiliser le gouvernement aux droits et besoins des femmes victimes de violence conjugale
- Accéder à un financement équitable des maisons
- Développer une gamme de services autres que l’accueil et l’hébergement : prévention, suivi, intervention auprès des enfants
- Demander que le système judiciaire traite les infractions commises en contexte de violence conjugale comme les autres
DATES IMPORTANTES
1975 Les deux premières maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale naissent à Montréal et à Longueuil, suivies de cinq autres l’année suivante. Elles sont dirigées par des femmes de divers horizons politiques : féministes radicales, humanistes, marxistes-léninistes, religieuses, etc. Plusieurs s’inspirent du modèle de maisons par et pour les femmes présenté dans le livre Crie moins fort, les voisins vont t’entendre, d’Erin Pizzey.
1978 Les 19 maisons d’hébergement existantes se réunissent pour échanger sur leur fonctionnement, leurs ressources, leurs besoins de formation et de financement. C’est ainsi que le Regroupement provincial des maisons d’hébergement pour femmes en difficulté voit le jour.
1981 Le nouveau Code civil du Québec établit l’égalité entre les époux et permet la protection de la résidence familiale. Il prévoit la possibilité pour les épouses d’obtenir un montant d’argent correspondant à leur contribution à l’enrichissement du ménage pendant la vie commune, même si elles ne travaillaient pas à l’extérieur de la maison. Cette « prestation compensatoire » ne s’appliquera qu’aux épouses d’agriculteurs finalement.
1983 La Loi sur les infractions sexuelles reconnaît le viol conjugal. Dorénavant, une femme peut témoigner contre son conjoint.
La même année, le Regroupement crée et diffuse une déclaration des droits des femmes victimes de violence conjugale. Elle réclame le droit à la protection, à la réparation des torts et à la justice.
1985 La Politique d’aide aux femmes violentées du ministère des Affaires sociales reconnaît les besoins d’aide des femmes victimes de violence conjugale.
Le Regroupement lance sa première campagne de sensibilisation intitulée Les maisons d’hébergement : une histoire de cœur. Elle sera suivie de nombreuses autres campagnes visant à conscientiser les femmes victimes de violence conjugale, mais aussi les proches, les intervenant.e.s et la population en général.
1986 Après des années de lutte menée par le Regroupement, certains gestes posés dans un contexte de violence conjugale sont reconnus comme des actes criminels. La Politique d’intervention en matière de violence conjugale du ministère de la Justice encourage les victimes à porter plainte, demande aux policiers, aux procureurs et aux juges de traiter ces infractions en appliquant le code criminel et incite les tribunaux à sanctionner les agresseurs.
Dans le dossier de l’aide sociale, le Regroupement remporte un autre combat : les femmes en maison peuvent dorénavant conserver leurs prestations. Il obtient également une allocation pour contraintes temporaires à l’emploi et une prestation spéciale pour les femmes pendant leur séjour en maison.
1987 Le Regroupement publie une première étude sur la violence sexuelle. Intitulée La sexualité blessée, elle met en lumière cette réalité tristement répandue et fortement taboue.
Grâce à l’obtention d’un plan triennal de financement des maisons, le Regroupement réalise plusieurs avancées. Des programmes de formation sur les cycles de la violence et l’intervention auprès des femmes et des enfants sont mis en place. Une ligne de soutien téléphonique d’urgence (24/7), SOS violence conjugale, est créée.
1989 Le Québec adopte la Loi sur le patrimoine familial, qui favorise le partage équitable des biens entre les époux au moment du divorce.
De 1990 à 2009 : Reconnaissance et consolidation
Après le massacre de Polytechnique, le 6 décembre 1989, une enquête de Statistique Canada initiée par le gouvernement fédéral révèle qu’une femme sur quatre est ou a été victime de violence conjugale au cours de sa vie. Dans la foulée, cinq centres de recherche canadiens sur la violence faite aux femmes sont créés, dont le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRIVIFF) au Québec.
D’un côté, sur le plan institutionnel, la violence conjugale est de plus en plus reconnue comme oppression spécifique des femmes, mais, de l’autre côté, on assiste à l’émergence du discours antiféministe.
Axé sur les droits des pères, ce discours dénonce le supposé pouvoir juridique des femmes en matière de garde d’enfants, minimise la violence dont elles sont victimes et prétend que l’égalité est atteinte. À plusieurs reprises, ses partisans tentent de modifier la Loi sur le divorce pour obtenir la garde partagée obligatoire. Dans les années 2000 apparaît l’idéologie de la symétrie de la violence, laissant croire que les hommes sont aussi violentés que les femmes.
Luttes et avancées du Regroupement
- Reconnaissance de l’expertise des maisons et obtention d’un financement adéquat
- Opposition à la garde partagée obligatoire, revendiquée par des groupes masculinistes, et exemption de la médiation familiale pour les femmes victimes de violence conjugale
- Réduction de la précarité économique des femmes par l’intégration de la violence conjugale dans les critères d’admissibilité des HLM et la perception automatique des pensions alimentaires
- Développement de l’intervention jeunesse en maison d’hébergement
- Initiation d’une réflexion chez les maisons et le milieu judiciaire pour améliorer le traitement judiciaire des victimes de violence conjugale
- Développement d’un programme de prévention de la violence à l’école : Branchons-nous sur les rapports de force pour les écoles primaires et Enlignons-nous sur des mots sans maux pour les écoles secondaires
DATES IMPORTANTES
1990 Le Regroupement lance la campagne et la brochure La violence conjugale, c’est quoi au juste? Cette dernière, continuellement mise à jour, est un outil précieux encore diffusé dans différents milieux pour faire connaître cette réalité.
Le colloque Pareilles, pas pareilles, on s’appareille réunit près de 250 intervenantes pour échanger sur les femmes vivant une double oppression : celle de la violence conjugale et de la toxicomanie, de la maladie mentale et de la minorité immigrante, autochtone ou handicapée.
1993 La Déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence contre les femmes reconnaît que cette violence est la manifestation de rapports de force historiquement ine?gaux entre les hommes et les femmes.
1994-1995 Le Regroupement participe à l’élaboration d’une nouvelle politique : Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale. S’appuyant sur la Déclaration de l’ONU, cette politique reconnaît enfin le caractère social et non individuel de la violence conjugale et la nécessité d’assurer la sécurité des femmes et des enfants touchés. Elle est signée par six ministères et secrétariats marquant l’engagement du gouvernement du Québec.
1996 Le Regroupement adopte une plateforme de 109 revendications sur la prévention, la promotion, le dépistage, l’intervention, la protection, la dévictimisation et l’intégration sociale.
2003-2004 Après des années de pressions, le financement des maisons est doublé, permettant l’amélioration de services de prévention et d’intervention.
2004 Une conférence québécoise sur la violence conjugale, Vivement la sécurité! Dégager de nouvelles perspectives pour la protection des femmes et des enfants, rassemble les principaux intervenants concernés par la problématique. Les actes de cette conférence sont réunis dans le livre intitulé Violence conjugale : des spécialistes se prononcent. Il met en lumière les analyses, les pratiques et les enjeux reliés à la violence conjugale et à la sécurité des femmes qui en sont victimes.
2006 Après une bataille de plus de sept ans menée par plusieurs groupes, dont le Regroupement, une nouvelle disposition au Code civil est obtenue, accordant le droit aux femmes victimes de violence conjugale de résilier un bail sans pénalité.
2007 La Loi sur la protection de la jeunesse reconnaît que l’exposition à la violence conjugale peut menacer le développement et la sécurité de l’enfant. Toutefois, son application pose des défis pour bien protéger à la fois les femmes et les enfants.
Les victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle obtiennent un gain important : les services correctionnels doivent maintenant les aviser à la libération de leur agresseur.
De 2010 à 2019 : électrochocs et petits pas
Les femmes restent les principales victimes de violence conjugale (78 % en 2015) et, même si le nombre d’infractions enregistrées a triplé en 30 ans (de 6550 en 1987 à 19 400 en 2015), la majorité des incidents ne sont pas rapportés à la police (70 % en 2014).
Les meurtres de femmes victimes de violence conjugale par leur conjoint ou ex-conjoint, notamment celui de Daphné Boudreault en Montérégie (2017), continuent d’ébranler l’opinion publique. La médiatisation de ces homicides met en lumière les angles morts des services policiers en matière de protection des femmes.
Dans le monde entier, des milliers de femmes dévoilent la violence sexuelle qu’elles ont subie (#AgressionNonDénoncée?et?#MoiAussi) et dénoncent les mécanismes inefficaces pour la contrer.
Le Regroupement est intervenu de multiples façons pour dénoncer le traitement judiciaire des victimes au niveau criminel, en droit de la famille et en protection de la jeunesse ainsi que des jugements contradictoires qui mettent en danger la sécurité des femmes victimes de violence conjugale.
Les actions du Regroupement se sont intensifiées auprès de la Protection de la jeunesse pour mieux garantir la protection des enfants, sans compromettre celle des mères victimes de violence conjugale.
Après dix ans d’implication du Regroupement, le Carrefour sécurité en violence conjugale (CSVC) a officiellement vu le jour. Il constitue un modèle de concertation et d’action intersectorielle visant à assurer la sécurité des femmes victimes de violence conjugale et de leurs proches et à prévenir les homicides intrafamiliaux dans les différentes régions du Québec.
DATES IMPORTANTES
2010 À l’occasion de ses 30 ans, le Regroupement change sa dénomination sociale et son image corporative. Dans le cadre des 12 jours d’action contre la violence envers les femmes, plus de 300 000 cartes postales sont distribuées dans les foyers québécois pour informer les victimes et leurs proches des services des maisons.
2011 L’adoption d’un cadre de référence pour l’intervention jeunesse permet aux maisons membres de systématiser leur approche auprès des enfants victimes de violence conjugale.
2012 Le Regroupement obtient que les femmes victimes de violence conjugale soient exemptées de l’obligation de participer au processus de médiation familiale.
2014 La campagne Web Vivre la violence conjugale est lancée. Elle recueille les témoignages de 445 femmes, enfants et intervenantes pour sensibiliser le public aux difficiles réalités de la violence conjugale tout en valorisant la force et la résilience des victimes.
2016 Le Regroupement récolte l’engagement de plus de 325 municipalités alliées contre la violence conjugale au Québec (7 ans plus tard, elles sont plus de 700).
2017 En braquant les projecteurs sur les homicides de femmes victimes de violence conjugale, le Regroupement obtient du ministère de la Sécurité publique la création d’un comité d’examen des décès liés à la violence conjugale présidé par la coroner en chef du Québec. Un siège y est dédié pour une représentante du Regroupement.
2019 Après le mouvement de dénonciation des violences sexuelles (#MoiAussi), une vague d’homicides liés à la violence conjugale secoue le Québec à l’automne?2019. Un Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale est mis sur pied. Le Regroupement désigne une représentante d’une maison d’aide et d’hébergement pour y siéger. À cela s’ajoute un mandat donné par le premier ministre à la ministre de la Condition féminine d’examiner les actions supplémentaires à mettre en œuvre.
2019 Modification du Code criminel qui introduit :
- La prise en compte de la commission de l’infraction en contexte conjugal pour l’ordonnance de remise en liberté et la détermination de la peine
- Le renversement du fardeau de la preuve lors de l’enquête sur remise en liberté si le délinquant a des antécédents de violence conjugale
2019 Modification de Loi sur le divorce qui intègre la notion de violence familiale [conjugale] pour déterminer le meilleur intérêt de l’enfant (entrée en vigueur en 2021)
2019 Le Regroupement sensibilise 2000 employeurs et syndicats aux impacts de la violence conjugale et aux mesures à mettre en place par les milieux de travail pour soutenir les victimes. La campagne Milieux de travail alliés contre la violence conjugale deviendra deux ans plus tard un programme d’accompagnement et de certification.
De 2020 à aujourd’hui : Chantiers législatifs et mobilisation générale pour renforcer la protection des femmes et des enfants
Le gouvernement dépose en décembre 2020 un Plan d’action spécifique pour prévenir les situations de violence conjugale à haut risque de dangerosité et accroître la sécurité des victimes?(2020-2025) qui permet d’améliorer le financement des maisons, tel que réclamé par le Regroupement. Le déploiement de cellules d’action concertées (cellules d’intervention rapide) pour prévenir les risques de blessures graves ou d’homicides est financé pour la première fois. Le plan prévoit également l’élargissement du service d’évaluation des conjoints violents au stade de la remise en liberté provisoire.
Les maisons d’aide et d’hébergement obtiennent du financement pour consolider les services de consultation externe et adapter leurs services aux besoins des femmes marginalisées.
Entre décembre 2020 et mai 2021, trois rapports phares émettent 300 recommandations qui exigent un grand chantier pour améliorer l’accès à la justice pour les victimes, pour prévenir les décès liés à la violence conjugale et prendre en compte le meilleur intérêt de l’enfant :
- rapport du Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale
- rapport du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale
- rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse
En 2021, le Québec connait une nouvelle vague de féminicides : 9 femmes sont tuées par un partenaire intime en seulement 7 semaines. Le Regroupement organise une grande mobilisation contre les féminicides dans 22 villes à travers le Québec, de concert avec la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape, L’R des centres de femmes et Ingrid Falaise. Alors que le budget provincial ne prévoyait aucun argent supplémentaire dédié à la lutte contre la violence conjugale, les revendications portées par les regroupements et le soutien de la population forcent le premier ministre à réagir. Il confie le mandat à la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique de coordonner la mise en œuvre d’une série d’actions visant à enrayer les crimes contre les femmes et les féminicides. La méthode de calcul du Regroupement pour le financement des maisons est retenue par le gouvernement. La présidente du Regroupement prend part à la conférence de presse durant laquelle le gouvernement annonce 222,9 millions de dollars pour lutter contre la violence conjugale, dont un rehaussement du financement des maisons, à hauteur de 92 millions de dollars sur 5 ans. Elle déclarera alors : « Quelle que soit la porte à laquelle elles frapperont pour obtenir de l’aide, elles pourront espérer recevoir un accompagnement plus approprié. C’est l’essence de ce que nous revendiquons depuis des années […] c’est notre plus belle victoire! »
À la suite de ces annonces, le gouvernement augmente le nombre de places subventionnées dans les maisons existantes et soutient la création de 4 nouvelles ressources. Les maisons de 2e étape se voient octroyer un financement récurrent. Il n’y a jamais eu autant de projets de maisons d’hébergement depuis les années 70 et 80.
En 2021 et 2022, plusieurs réformes législatives se succèdent et marquent des avancées notables dans la lutte contre la violence conjugale.
Le Regroupement a analysé chacun de ces projets de loi, émis des recommandations et réalisé des représentations pour en bonifier le contenu (voir Dates importantes).
La pratique policière connaît également des changements majeurs, avec la création d’équipes spécialisées en matière de violence conjugale, la mise sur pied d’une Table nationale sur l’intervention policière, sur laquelle siège le Regroupement, et la révision du Guide de pratique policière.
Les dernières années ont été marquées par la mise en lumière de la notion de contrôle coercitif. Le Regroupement en a fait son cheval de bataille, avec la mise sur pied du projet Améliorer la pratique judiciaire qui vise à former les acteurs socio-judiciaires sur le contrôle coercitif et les habiliter à le documenter et à faire reconnaître ses impacts par les tribunaux (criminel, famille, immigration). Le Regroupement développe une panoplie d’outils sur le contrôle coercitif, en concertation avec des partenaires du système de justice qui s’impliquent sur le comité consultatif du projet. En deux ans et demi, le projet aura permis de former plus de 6 000 acteurs de ce milieu au contrôle coercitif. Des séminaires régionaux organisés dans dix régions du Québec ont permis de tisser des liens entre les maisons d’aide et d’hébergement et les acteurs judiciaires.
DATES IMPORTANTES
2021
- Loi visant la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale
- Entrée en vigueur de la réforme de la loi sur l’indemnisation des personnes victimes d’actes criminels, qui abolit le délai pour déposer une demande et élargit l’aide financière à tous les actes criminels
- Réforme de la loi sur la santé et la sécurité au travail, qui inclut une obligation pour les employeurs de prévenir la violence conjugale au travail et d’assurer la sécurité des victimes.
2022
- Réforme de la Loi sur les normes du travail, qui prévoit deux jours de congés payés et un congé sans solde à la suite de violence conjugale
- Phase 1 de la réforme du droit de la famille, qui prévoit la prise en compte de la violence conjugale au moment de déterminer le meilleur intérêt de l’enfant, même si la loi ne définit pas clairement la violence conjugale.
- Réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui fait de l’exposition à la violence conjugale un motif spécifique de compromission de la sécurité et du développement de l’enfant
- Adoption d’une loi visant la mise en place des bracelets antirapprochements (BAR) en contexte de violence conjugale, à l’étape de la remise en liberté ou de la peine
2022 Premiers pas du déploiement du Tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale, par le biais de projets-pilote, tel que l’avait réclamé le Regroupement. Deux déléguées du Regroupement siègent à la table nationale de mise en œuvre du Tribunal.
2022 La campagne Milieux de travail alliés contre la violence conjugale devient un programme de sensibilisation et de certification qui permet d’accompagner et d’outiller les organisations.
2024 Une entente entre le Regroupement et la Sûreté du Québec prévoit un nouveau protocole de référence entre la SQ et les maisons d’aide et d’hébergement, permettant de mettre en contact une victime avec un maison au moment de l’intervention policière
Les combats actuels du Regroupement
Le Regroupement plaide pour l’intégration du contrôle coercitif dans le droit : dans le Code criminel, dans le Code civil ou encore en protection de la jeunesse. Il milite activement en faveur de la criminalisation du contrôle coercitif, porté par un mouvement mondial en ce sens. Au Canada, un projet de loi privé est déposé par le NPD à trois reprises, en 2021 puis 2023. À la suite de nombreuses représentations, les recommandations du Regroupement ont été intégrées en quasi-totalité dans le projet de loi, adopté à l’unanimité par la Chambre des communes en juin 2024. Il poursuit sa route au Sénat.
La crise du logement qui sévit au Québec est devenue une préoccupation majeure pour les femmes victimes de violence conjugale. Le manque criant de logements sociaux et abordables empêche certaines femmes de quitter un conjoint violent, et contribue à allonger le séjour de celles qui sont hébergées en maison d’aide et d’hébergement. Le Regroupement s’associe régulièrement à des groupes de défense du droit au logement pour réclamer des actions structurantes pour faciliter l’accès à du logement social et abordable. Des blocages administratifs retardent la création de nouvelles maisons. En multipliant les sorties médiatiques dès l’automne 2023, et les alliances politiques, les trois associations de maisons finissent par obtenir du gouvernement une sortie de crise et des ententes pour débloquer les projets immobiliers à l’arrêt.
La formation continue de tous les acteurs entourant les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants demeure une préoccupation majeure pour garantir que les avancées législatives se traduisent concrètement dans la pratique. Le Regroupement développe son offre de formation à l’externe pour sensibiliser différents publics.
Le Regroupement s’investit également pour mettre fin aux incohérences entre les décisions des différents tribunaux, dont la prise en compte de la violence conjugale est inégale et peu harmonisée.
Grâce à la persévérance et à la détermination du Regroupement, les maisons d’aide et d’hébergement au Québec offrent aujourd’hui un accompagnement polyvalent et essentiel aux femmes victimes de violence conjugale. Elles sont également devenues des ressources et des partenaires incontournables pour les acteurs du système de justice, pour les policières et les policiers, ainsi que pour les proches de victimes. Malgré cela l’accès aux services reste insuffisant pour répondre à la demande en croissance.