Recherche UQAM – UdeM – Système de justice : des barrières persistantes nuisant à la sécurité des femmes victimes de violence conjugale

Montréal, le 9 novembre 2020 – Un collectif de chercheuses, comprenant les professeures Myriam Dubé de l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Rachel Chagnon du Département des sciences juridiques de l’UQAM et Marie-Marthe Cousineau de l’École de criminologie de l’Université de Montréal (UdeM), ont rendu publics aujourd’hui les résultats d’une étude portant sur la violence conjugale et le système de justice. Ce rapport de recherche documente des failles et des obstacles structurels du système judiciaire quant à la prise en charge des actes criminels commis en contexte conjugal, principalement en lien avec l’usage de l’article 810 C.Cr. et de son corollaire, l’article 811.

« À partir d’entretiens qualitatifs avec 12 femmes ayant entrepris des démarches judiciaires pour faire cesser la violence conjugale s’intensifiant en fréquence, en gravité et perdurant dans le temps (violence de coercition et de contrôle), cette recherche permet de pointer des barrières structurelles pour les victimes et d’identifier des pistes d’action pour améliorer la réponse du système de justice et des services policiers à ce type de violence », explique Myriam Dubé, professeure à l’École de travail social de l’UQAM et chercheuse principale dans le cadre de cette étude.

L’article 810 du C.Cr., aussi appelé « engagement de ne pas troubler l’ordre public », permet d’obtenir une ordonnance judiciaire obligeant un individu à respecter certaines conditions, comme ne pas approcher ou ne pas communiquer avec sa conjointe, si celle-ci craint pour sa sécurité. « Dans un contexte où le recours à la mesure 810 du Code criminel est courant, malgré le fait que le ministre de la Justice recommande un usage restrictif de cette mesure en contexte de violence conjugale, nous jugions nécessaire de donner la parole aux femmes, pour examiner les effets de cette mesure sur leur sécurité », souligne Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Le rapport fait le constat d’un manque de réactivité du système de justice au non-respect des conditions des ex-conjoints (non recours à l’article 811 du C.cr). « Cela s’avère problématique pour les femmes, qui se trouvent démunies face à une situation de danger pour elles et leurs enfants », déclare Rachel Chagnon, professeure au Département des sciences juridiques de l’UQAM.

Le manque d’arrimage et de communication entre les différents tribunaux conduit par ailleurs à des incohérences et à des injonctions contradictoires qui placent les femmes face à des situations non seulement insolubles, mais potentiellement dangereuses. « Plusieurs femmes sont, par exemple, enjointes à maintenir les contacts parentaux entre le père et l’enfant alors même que cet ex-conjoint a été contraint par une Cour criminelle à respecter des conditions, notamment en vertu de l’article 810, comme l’absence de contact ou le respect d’un périmètre de sécurité », indique Marie-Marthe Cousineau, professeure à l’École de criminologie de l’Université de Montréal (UdeM) et directrice universitaire du partenariat Trajetvi.

Ces barrières ont un impact non négligeable sur le parcours des femmes rencontrées, minant leur sentiment de justice en plus de nuire à leur sécurité. « Les victimes sont forcées de développer des stratégies de protection individuelles et des aptitudes autodidactes pour naviguer dans le système, ajoutant au fardeau de la violence subie et de la lourdeur administrative » précise Myriam Dubé.

À partir des récits d’expérience des principales concernées et des constats dégagés, les auteures du rapport mettent de l’avant plusieurs recommandations. Parmi elles, « notons la nécessité d’embaucher davantage de procureures et de procureurs; la création de contenus vulgarisés pour soutenir les victimes dans leur parcours judiciaire ou encore la mise sur pied d’équipes spécialisées dédiées à la violence conjugale au sein des corps policiers et du système de justice » souligne Rachel Chagnon. Il est également recommandé d’inclure au dossier du contrevenant les avis de récidive par rapport aux manquements au 810, mais aussi de produire une évaluation des risques qui soit partagée automatiquement auprès de toutes les instances judiciaires qui devront intervenir dans un dossier impliquant les victimes et les auteurs de cette violence.

Partenaires de recherche

Ce rapport est le fruit d’un partenariat de recherche entre le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, le Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM ainsi que des chercheuses de deux universités : Myriam Dubé, Rachel Chagnon, Mylène Laferrière Abel, Nathalie Plante pour l’UQAM et Marie-Marthe Cousineau pour l’Université de Montréal.

Financement de la recherche

Le projet a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), du Réseau québécois en études féministes (RéQEF – UQAM), du Programme d’aide financière à la recherche et à la création de l’UQAM (PAFARC volet 2 : SAC) et du partenariat de recherches et d’actions Trajetvi (CRSH-Partenariat, Trajectoires de vie, de violence, de recherche d’aide et de recours au service des femmes victimes de violence conjugale).

 

Consulter le rapport ici

Consultez la synthèse ici

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*Les professeures Myriam Dubé, Rachel Chagnon, Marie-Marthe Cousineau et madame Louise Riendeau du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale sont disponibles pour des entrevues.

Source: Rose-Aline LeBlanc, conseillère en relations de presse
Division des relations avec la presse et événements spéciaux
Service des communications

[email protected]
twitter.com/RoseAlineLeBlan

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